Fonds en euros : pourquoi leur baisse actuelle ?

Le fonds en euros, c’est un peu ce vieux canapé dans lequel on pensait pouvoir s’installer sans jamais se soucier du lendemain. Sauf que, maintenant, l’assise s’affaisse, les ressorts grincent, et la promesse de confort inaltérable s’effrite lentement : sur le relevé d’épargne, les chiffres s’érodent, loin de l’assurance tranquille d’hier.

Cette lente érosion n’a rien d’un caprice du hasard. La mécanique bien rodée de l’assurance-vie se grippe, rattrapée par une réalité plus rude : taux d’intérêt relevés à la va-vite, exigences réglementaires toujours plus serrées, stratégies parfois musclées des assureurs… L’image du placement refuge en prend un coup. Comment l’épargne préférée des Français s’est-elle retrouvée au bord du précipice ?

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Fonds en euros : un pilier de l’épargne fragilisé

Le fonds en euros a longtemps joué le rôle de cœur battant de l’assurance-vie à la française. Sa force ? Une garantie du capital béton, zéro secousse, parfait pour celles et ceux qui fuient la volatilité. Accessible via les contrats d’assurance vie traditionnels ou le PER (Plan d’Épargne Retraite), il se nourrit principalement d’obligations d’État et d’entreprise. Côté pile, une stabilité qui rassure ; côté face, une vulnérabilité directe à la trajectoire des taux.

En 2024, le décor a changé. Le rendement moyen du fonds en euros plafonne à 2,50 % (source : France Assureurs), après une remontée timide en 2023 (2,60 %) et 2022 (1,90 %). Certains contrats tutoient même les 4,65 % grâce à des bonus, mais d’autres s’essoufflent à 1 %. Ce grand écart s’explique par la stratégie propre à chaque assureur : puiser dans la provision pour participation aux bénéfices (PPB) pour soutenir le rendement, ou au contraire, garder des réserves sous le coude.

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Derrière cette façade, la solidité du fonds en euros s’émousse. Pourquoi ? Les anciennes obligations, achetées au temps des taux au plancher, continuent de peser sur la performance des fonds euros. Résultat : la sécurité coûte cher, et la rentabilité s’étiole en attendant que le stock d’obligations soit renouvelé à de meilleurs taux.

  • Assureurs : ce sont eux qui tiennent la barre, fixant chaque année le taux servi après avoir jonglé avec la rentabilité, les réserves et les nouvelles contraintes réglementaires.
  • Rendement : tout dépend du contexte de marché, de la générosité des bonus, et du niveau d’unités de compte détenues par l’épargnant.

Miser sur le capital garanti, c’est accepter un rendement sous pression. Tant que les anciennes obligations restent majoritaires, la performance restera bridée, quoi qu’on en dise.

Pourquoi observe-t-on une baisse des rendements en 2024 ?

Le rendement moyen des fonds en euros se fixe à 2,50 % en 2024, d’après France Assureurs. C’est moins qu’en 2023 (2,60 %) et à peine mieux que 2022 (1,90 %). Le coupable ? Le fonctionnement même du fonds en euros : la majorité du portefeuille est encore composée d’obligations à taux fixe acquises à une époque où les taux ne décollaient pas. La récente hausse du marché obligataire ne sauve pas la mise : l’effet est lent, car les nouvelles obligations à meilleur rendement remplacent peu à peu les anciennes, mais sans miracle immédiat. Certaines lignes pèsent lourd, encaissées à moins de 1 %.

La politique de distribution des assureurs fait le reste : certains n’hésitent pas à puiser dans leur provision pour participation aux bénéfices (PPB) pour doper temporairement la rémunération, quand d’autres préfèrent jouer la montre et préserver des réserves, anticipant un avenir moins lisible. Cette diversité explique qu’en 2024, les taux servis varient du simple au quadruple selon les contrats, de 1 % à 4,65 % avec bonus.

Sur le temps long, les fonds en euros conservent une longueur d’avance sur le Livret A. Mais entre 2022 et 2023, le placement réglementé (3 %) l’a supplanté. Ce taux du Livret A est d’ailleurs gelé jusqu’en janvier 2025, avant d’être attendu à 2,4 %. Cette concurrence directe force les assureurs à repenser leur stratégie de rémunération, au risque de voir la collecte s’éroder.

  • Le contexte macroéconomique – politiques monétaires de la BCE ou de la FED, inflation, décisions de taux – pèse lourdement sur la performance future.
  • La composition du portefeuille de chaque assureur détermine la rapidité d’ajustement aux nouvelles conditions de marché.

Le pari de la prudence n’est plus gratuit : le capital garanti se paie désormais au prix fort, et la perspective de rendement reste bridée par le poids du passé.

Facteurs clés : taux d’intérêt, inflation et contraintes réglementaires

Les taux d’intérêt dictés par la BCE et la FED sont le vrai chef d’orchestre. Quand ils grimpent, la valeur des vieilles obligations détenues en portefeuille s’érode. Les assureurs se retrouvent alors avec des actifs moins rentables, tandis que les nouveaux versements profitent de conditions un peu meilleures – mais seulement à la marge, tant que le stock global reste chargé d’obligations anciennes.

Autre adversaire : l’inflation. Autour de 2 % en 2024, elle rogne le rendement réel de l’épargne, déjà mis à mal par la fiscalité et les prélèvements sociaux. Sur certaines années, la rémunération du fonds en euros, une fois l’inflation déduite, frôle le zéro, voire passe en négatif.

Le cadre réglementaire n’est pas en reste. La loi Sapin II donne au Haut Conseil de Stabilité Financière le pouvoir de geler temporairement les retraits en cas de tempête systémique. Les assureurs doivent également composer avec le Code des Assurances et les recommandations de l’ACPR, qui veille sur la gestion des provisions pour participation aux bénéfices (PPB). Ces réserves servent à lisser la performance, mais imposent aux gestionnaires de marcher sur des œufs en période de volatilité.

  • La prime de risque sur les obligations reste basse, freinant toute tentative de valorisation rapide des portefeuilles.
  • France Assureurs, l’ACPR et l’INSEE confirment régulièrement cette tendance par leurs statistiques : le mouvement de repli ne s’inverse pas.

Résultat : le fonds en euros subit la double peine d’un environnement obligataire défavorable et d’une réglementation de plus en plus stricte. Le rendement moyen de 2,50 % en 2024 reflète cet étau.

marché financier

Comment les épargnants peuvent-ils réagir face à cette nouvelle donne ?

Se reposer sur le capital garanti des fonds en euros ne suffit plus. Avec une rémunération descendue à 2,50 % en 2024, l’heure est venue de repenser sa stratégie. Premier réflexe : élargir la palette des placements au sein de l’assurance vie ou du PER pour ne pas s’enfermer dans le rendement figé du fonds euro.

  • Augmenter la part d’unités de compte permet de capter le potentiel des marchés financiers – actions, immobilier (SCPI) – avec, certes, le risque de pertes en capital, mais aussi la possibilité d’une performance supérieure.
  • Opter pour la gestion pilotée : confier son allocation à un professionnel, qui ajustera le portefeuille en fonction de votre tolérance au risque et des évolutions du marché, sans avoir à tout surveiller soi-même.
  • Surveiller les frais de gestion, d’entrée et d’arbitrage. Certains contrats prélèvent jusqu’à 2 % par an, d’autres restent sous la barre des 1 %. À la longue, la différence pèse lourd sur la performance finale.

Certains assureurs proposent des bonus de rendement pour les contrats investis à plus de 30 % en unités de compte ou à partir d’un certain encours. Ces primes ponctuelles peuvent faire grimper le taux à 4 % voire 4,65 %. Mais attention, la volatilité de ces supports exige une surveillance accrue et une vraie capacité à encaisser les à-coups du marché.

La clé, c’est l’équilibre : trouver le juste milieu entre sécurité et croissance, savoir diversifier, et prêter attention aux frais. Les plus aguerris opteront pour la gestion libre, tandis que la gestion pilotée reste une option solide pour ceux qui préfèrent déléguer. Rester statique, en revanche, c’est risquer de voir son épargne s’user lentement, comme ce vieux canapé qu’on pensait inusable.

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